- 24 mai 2024, 16:06
#2800937
On aimerait bien souvent pouvoir remonter le temps... une histoire ancienne et pourtant si présente...
Il y a quelques mois, à la veille d'une séance qui devait réunir croquis et massages avec un ami qui m'est cher, j'étais parti un week-end en Normandie. Le temps étais sec et frais, et comme tout citadin frustré de n'apercevoir le ciel étoilé, pollué d'éclairages parasites et d'un flou chromatique, dès la nuit s'installant je sortais dans le jardin, le regard scrutateur vers le vide bleuté. Quelques points lumineux ponctuaient la voûte très claire, alors que n'apparaissaient pas encore les millions de scintillements d'intensité si différente que me faisait découvrir mon père, dans ce même jardin lorsque j'étais tout petit enfant, les yeux écarquillés sur ce ciel insondable. J'étais un peu déçu de scruter sans voir, savoir ce qui apparaît sans savoir ce qui est, troublé de cet infini insondable et invisible, dans une pause contemplative, et puis je tournais sur moi-même et soudain, face à la vallée légèrement en contrebas du jardin que couronne des bois, au sommet du versant opposé dans une sorte de césure qui devait être une clairière, émergeait une lueur entre les branches des arbres d'hiver, s'amplifiant à la fois lentement et pourtant si rapidement... L'apparition de la lune résultant de la rotation vertigineuse du paysage qui me portait, chaque seconde passée semblant se faire avaler dans un plongeon abyssal. Cette lumière, comme celle du jour qui traverse nos paupières endormies et éveille nos sens intensifiait mes émotions nocturnes, me plongeait en tous ces projets secrets qui mêlent rêves et érotisme, et sur l'astre apparaissant qui semblait si gigantesque me faisait voir des ombres crayonnées, des corps alanguis aux peaux claires et crayeuses. Je m'endormais tourmenté et me réveillais très tôt au frémissement des premières lueurs. A peine vêtu je ressortais, comme pour retrouver une lune qui bien sûr avait franchi bien d'autres horizons mais, la lueur était à nouveau là, au même endroit exactement, dans ce sorte de V que forme la cime des arbres du coteau, rougissante de feu comme la veille elle était pâle et glaçante.
La séance commença assez sagement, en quelques frémissements de tissu, de mots bas échangés, de sourires et de regards… Je crayonnais lentement, comme si la main de mon ami tenait les crayons avec moi, en une belle sérénité, une force complice qui amena la si jolie modèle, plus tard vers la table de massage…. Douceur et sensualité, comme des onguents la protégeant, pour quelques instants seulement du monde trouble et bruyant… plus tard encore, je les rejoignais et posais mes mains à mon tour sur les courbes que j'avais dessinées avec volupté, gourmandise et candeur…
C'est ainsi que se superposèrent les tracés du visage lunaire et la chaleur de l'astre solaire en un moment merveilleux, complice au quatuor que nous étions, et que nous aurions pu espérer ne jamais devoir se terminer…. La lune et le soleil nous donnent l'impression de se lever pour s'éclipser à tour de rôle, mais ils disparaissent juste de notre perception. Puisse, mon cher ami, mon cher ami, nous surprendre un jour….
Jean
Dessin un jour, des seins toujours...
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